PRIX LITTÉRAIRE
Le monde n’existe pasÉvénement
« Autrefois, j’avais un ami. Je l’ai rencontré il y a bien longtemps, par un jour d’hiver, sautant de sa voiture et grimpant quatre à quatre les marches du lycée Franklin. C’est le souvenir le plus vivace que j’aie de lui, une impression inégalable d’éclat et de beauté – les couleurs scintillantes d’une époque où toutes mes sensations étaient brutales. Figé sur les marches, rempli d’admiration et de honte, j’étais égaré dans ma condition de “nouveau”, égaré en moi-même. Il m’a sauvé – des autres, de ma propre jeunesse. Des années plus tard, alors que cet homme était devenu une image détestée, j’ai tenté de le sauver. J’aurais aimé qu’on sache qui il était vraiment. »
Lorsque Adam Vollmann, journaliste au New Yorker, voit s’afficher un soir sur les écrans de Times Square le portrait d’un homme recherché de tous, il le reconnaît aussitôt : il s’agit d’Ethan Shaw. Le bel Ethan, qui vingt ans auparavant était la star du lycée et son seul ami, est accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus, pour mener l’enquête. Mais à mesure qu’il se confronte au passé, toutes ses certitudes vacillent…
Roman haletant et réflexion virtuose sur la puissance du récit, Le monde n’existe pas interroge jusqu’au vertige une société aveuglée par le mensonge, où réalité et fiction ne font qu’un.
Imaginez un peu : vous vous trouvez sur Times Square, en plein New York, quand soudain, la photo de votre meilleur ami à l’adolescence s’affiche sur les écrans géants. C’est bien lui Ethan Shaw, le golden boy du lycée, l’étoile montante de la petite ville de Drysden. Pour le narrateur, Adam Vollmann, Ethan fut un sauveur : en lui offrant son amitié, il lui permit de s’intégrer. Et c’est ce même homme qui est aujourd’hui accusé d’avoir violé et tué une adolescente, recherché partout dans le pays !
Journaliste, Adam va mener l’enquête et revenir là où tout a commencé. Mais on ne part pas impunément sur les traces de son passé. Et ce que Adam va découvrir sur Ethan, sur la victime et sur lui-même, pourrait bien changer la donne. Dans ce roman conçu à priori comme un polar, rien ne ressemble à ce que l’on connaît : les personnages se révèlent fuyants, le jeu de miroirs parfait et la réalité, au pays de Donald Trump, ressemble dangereusement à une fiction. Dans une ambiance à la David Lynch, sous fond de fake news, l’auteur s’interroge sur la question de l’identité, sur ce qui se cache derrière les noms et sur notre rapport à la vérité. Un jeu de pistes passionnant où l’on se perd à loisir et où suspens et manipulation règnent. Un coup de maitre inspiré.
Ariane Bois
Journaliste & membre du jury du Prix Littéraire Lucien-Barrière