Un cinéaste incontournable
Rien ne le prédestinait à la photographie, encore moins au cinéma. Pourtant, c’est par le biais de ces deux médiums que Jerry Schatzberg a su s’imposer comme l’un des plus brillants artistes de notre temps. Ses clichés iconiques restent à jamais imprimés sur nos rétines, autant que sa filmographie intense, autre figure emblématique du Nouvel d’Hollywood.
Derrière l’objectif, en images fixes ou animées, le New-yorkais a immortalisé les plus grands, de Bob Dylan à Faye Dunaway, de Mick Jagger à Catherine Deneuve, d’Al Pacino à Andy Warhol, et n’a eu de cesse de mettre en scène les travers de l’Amérique et ses marginaux, à l’image de ceux qui foisonnaient dans le quartier de son enfance.
Après avoir grandi dans le Bronx à la fin des années 1920, Jerry Schatzberg suit malgré lui les pas de son père et travaille comme fourreur au sein de l’entreprise familiale. Il finit par assister le célèbre photographe William Helburn et décide de monter rapidement son propre studio.
Remarqué pour son approche singulière du portrait et de la photographie de mode dans les années 1950–60, il devient un photographe de renom et multiplie les collaborations avec les magazines Vogue, Life, Glamour ou Esquire.
Jerry Schatzberg entame en parallèle une carrière cinématographique, inspiré par Bergman et la Nouvelle Vague qu’il découvre dans les cinémas d’art et d’essai de New-York, et réalise Portrait d’une enfant déchue, un premier long métrage sorti en 1970 avec Faye Dunaway dans le rôle principal.
Un an plus tard, son second film, Panique à Needle Park, chronique le quotidien d’une bande de toxicomanes de Manhattan et révèle un jeune acteur prometteur, Al Pacino. Mais il faudra attendre son troisième film, L’Épouvantail, et ce duo mythique Gene Hackman – Al Pacino, pour que Jerry Schatzberg connaisse la consécration en recevant la Palme d’or au Festival de Cannes 1973 des mains de la présidente du jury, Ingrid Bergman.
« Pas un seul metteur en scène américain n’a fait à la suite trois films aussi extraordinaires », témoigne Michel Ciment. En plus de soixante ans de carrière, des centaines de photographies mémorables et une riche filmographie qui croise également la route de Meryl Streep (La Vie privée d’un sénateur, 1979), Morgan Freeman (La Rue, 1987), ou Guillaume Canet (The Day the Ponies Come Back, 2000), Jerry Schatzberg reste ancré dans les mémoires comme « un esthète, un grand metteur en scène formel, qui s’intéresse aussi aux émotions et aux rapports humains comme tous grands metteurs en scène ».
Cette année, le festival de Deauville a donc choisi d’inverser les rôles et de placer Jerry Schatzberg devant l’objectif afin de saisir son talent et lui rendre hommage en sa présence. Le documentaire consacré au photographe-cinéaste et réalisé par Pierre Filmon, Jerry Schatzberg, Portrait paysage, sera projeté à cette occasion.